samedi 9 octobre 2010

Larry clark ou l'image et la censure...

DESBENOIT (L.), " Le photographe des ados interdit aux ados ", Télérama, 3168, 29 septembre 2010, p.12.



Doit-on censurer l'image ? L'image est-elle dangereuse ? ou L'image peut-elle tuer ? comme l'annonçait un ouvrage de Marie-José Mondzain en 2002 ?

MONDZAIN (Marie-José), L’image peut-elle tuer ?, paris, Bayard, 2002.
Notes de lectures pouvant nous éclairer :

épitomé de la 4è de couverture :
"Ne pas savoir initier un regard à sa propre passion de voir, ne pas pouvoir construire une culture du regard, voilà où commence la vraie violence à l’égard de ceux qu’on livre désarmés à la voracité des visibilités. Il revient donc à ceux qui font des images de construire la place de celui qui voit et à ceux qui font voir les images des premiers de connaître les voies de cette construction.(...)"


P.13
Qui refuserait de voir en l’image l’instrument d’un pouvoir sur les corps et les esprits ? Ce pouvoir, conçu durant vingt siècles de christianisme comme libérateur et rédempteur, est soupçonné à présent d’être l’instrument de stratégies aliénantes et dominatrices. On traite même l’image de « pousse-au-crime »(...)

P.45-46
 Ne pas savoir initier un regard à sa propre passion de voir, ne pas pouvoir construire une culture du regard, voilà où commence la vraie violence à l’égard de ceux qu’on livre désarmés à la voracité des visibilités. Il revient donc à ceux qui font des images de construire la place de celui qui voit et à ceux qui font voir les images des premiers de connaître les voies de cette construction.(...)
Y a-t-il des formes de visibilité qui maintiennent les sujets dans les ténèbres des identifications mortifères alors que d’autre images, qui peuvent être lourdes de contenus tout aussi violents, permettent de construire du sens en évitant toute confusion ? Faut-il distinguer de bonnes et de mauvaises images non plus à partir de leur contenu, puisque l’image du mal peut guérir, mais de la symbolisation qu’elles induisent ? Poser la question ainsi permet de comprendre pourquoi l’image de la vertu ne rend pas vertueux tout comme celle du crime ne rend pas criminel.

P.51
"Plus cette place sera construite dans le respect des écarts, plus les spectateurs seront en mesure de répondre à leur tour d’une liberté critique dans le fonctionnement émotionnel du visible. C’est sans doute en ces termes qu’il faut aborder l’éducation des regards. Un enfant peut tout voir à condition d’avoir eu la possibilité de construire sa place de spectateur. Or cette place est longue à construire. Il faut donc en conclure qu’un enfant ne peut pas tout voir s’il n’est pas soutenu par la parole de ceux qui voient avec lui et qui eux-mêmes doivent avoir appris à voir".

P.61
Si le spectateur d’un crime devient criminel, c’est parce qu’il n’est justement plus spectateur. Il n’y a que ce qui rend bête qui rend méchant. Sous le régime identificatoire et fusionnel, même le spectacle de la vertu rend criminel tout comme celui de la beauté peut donner lieu à la pire hideur. Voilà la vraie violence, c’est le meurtre de la pensée par les imageries tyranniques. Les saintes images en ont rendu plus d’un inquisiteur et meurtrier.

P.88-89
Notre relation à l’image et aux images est indiscutablement liée, dans la pensée occidentale chrétienne, à ce qui fonde notre liberté, en même temps qu’à tout ce qui met cette liberté en péril jusqu’à l’anéantir. Il est plus facile d’interdire de voir que de permettre de penser. On décide de contrôler l’image pour s’assurer du silence de la pensée, et, quand la pensée a perdu ses droits, on accuse l’image de tous les maux, sous prétexte qu’elle est incontrôlée. La violence faite à l’image, voilà la question.(...)
Il est donc impératif de prendre au sérieux la formation des regards, car toute guerre aujourd’hui devient l’occasion de livrer la guerre à la pensée elle-même.
"Il faut bien admettre que la violence dans le visible concerne non pas les images de la violence ni la violence propre aux images, mais les violences faites à la pensée et à la parole dans le spectacle des visibilités. Considéré sous cet angle, la question de la censure devient un faux problème, qui fait courir le risque de retomber dans une dictature des passions, où l’on décide qu’il y a de bonnes et de mauvaises images en fonction de leur contenu.  
  


Une des photographies de l'exposition Kiss The Past Hello, datant de 1972.





Sans doute un peu attristant lorsque le " Nouvel obs. com " titre le jour même de la parution du journal : " Libération ose une photo érotique en Une ". Ceci nous renvoie sans doute à un certain manque de recul de la presse qui surfe en temps réel sur des sujets accrocheurs...(voir Wolton, à propos de vitesse d'information et journalisme)


Yves Guilloux, Techniques de communication, DSAA Bréquigny, Rennes, octobre 2010.


 Annexe :
" Larry Clark et la censure
Au moment où l'exposition consacrée aux photos de Larry Clark au musée d'Art moderne de la Ville de Paris se voit interdite aux moins de 18 ans, Metropolis revient sur la censure avec des experts en droit et en image. "
S.n., " Larry Clark et la censure ", Metropolis, Arte, novembre 2010.